Après l’incursion de trois Mig-31 dans l’espace aérien de l’Estonie le 19 septembre, la comparaison avec la Turquie s’est imposée dans les esprits. Pourquoi l’Otan n’a pas réagi comme Ankara en 2015 ? Cette année-là, un bombardier russe s’aventure pendant 17 secondes dans l’espace aérien turc. Il est aussitôt abattu par deux chasseurs F-16. Retour sur cet épisode de tension entre la Turquie et la Russie.

Novembre 2015. Le monde suit avec inquiétude le développement de l’État islamique. La France est frappée le 13 novembre avec une série d’attentats à Paris qui font 130 morts et plus de 400 blessés. Le groupe djihadiste a instauré depuis un peu plus d’un an un califat islamique en contrôlant une partie du territoire irakien et syrien. Grâce à son emprise territoriale et la fascination qu’il exerce, le groupe peut financer des attentats à travers le monde et recrute des milliers d’étrangers.

En Irak, une coalition internationale menée par les États-Unis soutient l’armée irakienne et les peshmergas kurdes pour reprendre le contrôle du nord du pays. En Syrie, le régime de Bachar el-Assad, soutenu par la Russie, combat Daech, mais aussi et surtout les différents groupes rebelles. Depuis la base aérienne de Lattaquié, les avions russes bombardent les positions des opposants au régime.

Prévenu « dix fois en cinq minutes »

Le 24 novembre 2015 au matin, une paire de Sukhoï-24, un bombardier biplace, mène une mission au nord-ouest de la Syrie, à proximité de la frontière turque, armée de bombes. C’est là que les versions divergent. Le contrôle aérien turc aurait demandé aux deux appareils, de retour de leur mission, de changer de cap, car ils allaient rentrer dans l’espace aérien de la Turquie. L’un des Su-24 change effectivement de cap, tandis que l’autre appareil maintient sa route. L’armée turque prévient, selon elle, « dix fois en cinq minutes » le Su-24, qui ne répond pas. Ce dernier va voler pendant 17 secondes sur un peu plus d’un kilomètre au-dessus de la Turquie. C’est là qu’un F-16 turc tire, hors de portée visuelle, un missile air-air sur le Su-24. Les deux pilotes ont le temps de s’éjecter avant que le bombardier ne s’écrase en Syrie. L’un des pilotes est cependant tué par des rebelles, le second est secouru lors d’une mission de sauvetage par des troupes de marine russes, mais l’un des soldats est tué lors d’échange de tirs.

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Vladimir Poutine parle alors d’un « coup de poignard dans le dos de complices terroristes ». La Russie assure que ses avions sont restés dans l’espace aérien syrien et qu’à aucun moment ils n’ont été prévenus par la Turquie. Des dénégations qui laissent sceptiques. Le 3 et 4 octobre, des avions Su-24 et Su-30 avaient déjà violé l’espace aérien turc dans la région de Hatay.

Les relations entre la Russie et la Turquie vont être considérablement dégradées pendant plusieurs mois, tandis que l’Otan appelait à la désescalade. En juin 2016, Recep Tayyip Erdogan, dans un courrier adressé à Vladimir Poutine, adresse ses condoléances à la famille du pilote décédé et appelle à reprendre des relations amicales.