C‘est en Ukraine que tout commence. Pas l’Ukraine d’aujourd’hui, dévastée par la guerre et où l’espoir de s’en sortir est chaque jour plus malmené, mais celle du début des années 2000, où les femmes suffoquent sous le joug des autorités religieuses et politiques.

Oxana Chatchko grandit à Khmelnitski, à 300 kilomètres de Kiev. Jeune peintre prodige, elle fait le bonheur de sa famille, très religieuse, en peignant des icônes pour les églises de la région… Son talent est immense, son intelligence et sa sensibilité le sont aussi. Mais le prêtre orthodoxe local décourage son idéalisme et elle ressent vite le besoin de mettre son énergie au service d’une autre cause.

Douleur existentielle

La fièvre de l’engagement, le romantisme de la révolte et les limites du combat individuel contre les puissants : c’est de tout cela qu’il est question dans Oxana, de la réalisatrice française Charlène Favier. Bientôt, Oxana (interprétée par Albina Korzh, impressionnante) rencontre d’autres jeunes femmes aussi déterminées qu’elle et décide de transformer son indignation en mouvement.

Elle cofonde les Femen – une scène suggère que le fait que ces femmes dénudent leurs poitrines est inspiré de La Liberté guidant le peuple, de Delacroix. Les actions qu’elles mènent sont un cri de révolte contre beaucoup – trop, peut-être ? – de choses : la façon dont sont soignées les femmes à l’hôpital, la dénonciation de l’ingérence russe en Ukraine, les réseaux de prostitution au sommet du pouvoir…

Le prix qu’Oxana paie pour ces combats sera exorbitant, et le film de Charlène Favier ne cache rien de la violence subie (notamment en Biélorussie) par la jeune artiste ni de sa douleur existentielle quand, en exil en France, elle se retrouve terriblement seule, écartée de son propre mouvement par Inna Chevtchenko.

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« Ici, je suis pauvre et j’ai honte », ose-t-elle avouer. Pour ceux qui ont suivi à l’époque les actions du mouvement Femen comme pour le jeune public, il est passionnant de suivre cet itinéraire tourmenté qui touche aux grandes questions contemporaines, des violences faites aux femmes à la figure toute-puissante de Vladimir Poutine. Ce combat dénué de tout calcul se termine brutalement. « You are fake », publiera-t-elle sur Instagram avant de se donner la mort le 27 juillet 2018.

« Oxana » ✭✭✭✭
Drame de Charlène Favier (France, 2024), 1h 43 min, avec Albina Korzh, Maryna Koshkina, Lada Korovai… En salle le 16 avril.
Le film s’ouvre sur une cérémonie traditionnelle aux accents païens, la « nuit de Kupala », célébrée lors du solstice d’été, parfaite entrée en matière à l’existence tourmentée d’Oxana (Albina Korzh). On suit la jeune artiste et cofondatrice des Femen de sa petite ville d’Ukraine, où elle se détourne de la religion pour épouser la cause des femmes, jusqu’à la banlieue parisienne où elle finit sa vie dans la solitude et la souffrance. Le film de Charlène Favier évoque l’itinéraire d’une femme infiniment douée et vulnérable tout en lui donnant sa pleine résonance politique.

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